Terres de beauté
Animé par François de Mazières avec Pascale Dalix et Duy Anh Nhan Duc (architecte et artiste, tous deux en charge du projet de la gare de La Courneuve dans le cadre du Grand Paris Express), José-Manuel Gonçalvès (directeur artistique du Grand Paris Express).
Le GIEC vient une nouvelle fois de le rappeler : la construction et l’entretien des bâtiments doivent devenir moins émetteurs de gaz à effet de serre. Comment, dans un cadre technique et réglementaire de plus en plus contraint, garder une ambition esthétique ? Pourquoi remettre l’ambition du beau au cœur de nos villes ?
François de Mazières : Bonjour à tous et merci à tous les trois d’être là pour ce débat « Terres de beauté » qui conclut ces trois jours de débats organisés par Olivier Le Naire. On a engagé toute une réflexion dans le cadre de la biennale d’architecture et de paysage et, si vous n’avez pas encore eu le temps pour visiter les neuf expositions, qui sont vraiment toutes très intéressantes, elles sont présentées pendant deux mois.
La thématique c’est comment aujourd’hui on fait face à la question du réchauffement climatique, comment l’architecture et le paysage, ensemble, travaillent sur cette grande problématique pour trouver des solutions. Derrière tout cela, il y a une question essentielle : c’est l’esthétique. Vous savez tous que je suis Maire de Versailles. La question de l’esthétique dans les villes est absolument fondamentale, on ne la traite pas assez. Il y a en effet un grand thème, le goût. Chacun son goût, certes, comme si, finalement, il n’y avait pas un moment des choses qui deviennent épouvantables à voir et d’autres qui sont, au contraire, très agréables à voir. Il faut faire très attention puisque l’on est à un moment de bascule ; on va changer les méthodes de construction à cause de cet impératif environnemental. On est maintenant sûrs que cette évolution va se faire dans l’architecture et on voit aussi que le paysage a pris une très grande importance. Nous avons la chance ici d’avoir l’École nationale supérieure du paysage, qui est juste à côté d’une école nationale supérieure d’architecture, deux établissements qui sont des supports très importants pour monter cette biennale.
En même temps, on se dit qu’il ne faut pas rater cette étape parce qu’on voit très bien que, dans cette réflexion environnementale, on pourrait seulement avoir des sortes de boîtes qui soient parfaitement performantes d’un point de vue environnemental mais qui ne soient pas nécessairement très intéressantes esthétiquement. Et surtout, c’est aussi l’objet de ce débat, on voit à l’occasion de cette nouvelle réflexion, l’idée de réintroduire la nature et le vivant parce que la question fondamentale c’est de préserver le vivant. La canicule nous fait peur parce qu’elle détruit le vivant.
Avec nos trois personnes, deux d’entre eux se battent pour le climat (un architecte et un artiste) à travers l’expression artistique, et avec José-Manuel Gonçalvès, nous avons un grand opérateur de culture, intéressé à cette question.
Pascale Dalix, vous êtes architecte, et avec votre mari, Frédéric Chartier, vous dirigez l’Agence ChartierDalix, une agence importante, qui fait de nombreux et grands projets. Frédéric et Pascale se passionnent justement sur la question du vivant dans l’architecture, ils construisent des bâtiments qui sont des supports de la vie, de la biodiversité, de la nature. Pascale, nous fera une présentation dans quelques minutes. En effet, nous avons voulu avec Olivier Le Naire, que chacun de ces débats soit précédé d’une présentation, comme on le fait dans les écoles d’architecture ou de paysage, Ainsi on perçoit concrètement des œuvres ou des projets.
Duy Anh Nuan Duc, vous êtes un artiste pour lequel j’ai eu un coup de cœur au travers d’une œuvre que j’ai vue à Chaumont-sur-Loire lors d’une édition du festival international des jardins. Certains d’entre vous connaissent ce lieu qui engage un travail extraordinaire de valorisation des artistes de grand talent. En tout cas si vous ne connaissez pas, je vous recommande d’y aller. Au cours de festival international des jardins, des parcelles sont confiées à des paysagistes, toujours inspirés. C’est donc à Chaumont-sur-Loire, que j’ai eu, un jour, le plaisir de découvrir une œuvre qui m’a profondément marqué. C’est un grand talent qui est avec nous aujourd’hui et je pense qu’on va le voir à travers ce projet voulu par la Société du Grand Paris. Chacune des 68 gares est le support d’une création artistique. Ce volet culturel du Grand Paris Express est confié à un coordonnateur, José-Manuel que nous avons également plaisir à accueillir ce matin. Je tiens à te redire un grand merci, José Manuel, parce que tu nous as beaucoup aidés, pour la première et pour la deuxième biennale. Tu es le patron du Centquatre à Paris, tout le monde connaît ce lieu incroyable, qui porte la culture avec ses manifestations passionnantes.
L’idée de ce débat est que vous entendre sur ce projet que vous avez ensemble sur une gare, et ensuite on parlera de façon plus générale de cette question de l’esthétique, au moment où se produit ce renouvellement de l’architecture et du paysage. Un grand merci à vous et maintenant à vous de jouer !
Pascale Dalix : Merci François. Je fais l’inverse et propose d’ouvrir un peu le débat en présentant quelques projets, quelques œuvres, quelques éléments qui pourraient être des éléments de réponse sur qu’est-ce que la beauté aujourd’hui en ville et comment est-ce qu’on peut revisiter ce sujet-là au travers d’éléments qui sont beaucoup plus vertueux, et notamment, ce qui nous passionne beaucoup à l’agence, entre autres, c’est l’intégration du végétal dans la ville. Comment est-ce qu’on peut, peut-être pour la première fois de l’Histoire, rabibocher le monde de la pierre et le monde du végétal, qui ont été depuis si longtemps séparés ? On voit bien que les villes en se densifiant, même au moment des hygiénistes, ont installé des jardins dans les villes, ont abattu des remparts, ont créé des grandes promenades et des doubles alignements de platanes, mais on a toujours continué de séparer le monde du vivant et le monde de la pierre, et donc ce sont des jardins qui sont fermés. Progressivement, on arrive au XXe siècle, et la densification des villes continue…
Qu’est-ce qui motive l’agence dans cet univers ? L’agence ChartierDalix existe depuis une douzaine d’années et nous avons commencé très vite à travailler avec le végétal et des matériaux comme le béton. Il est vrai qu’on a beaucoup tendance à dire que le béton est un matériau contre-intuitif sur la question du vivant, et pourtant, on va le voir, on a quelques projets dans lesquels on utilise parfois le béton pratiquement comme de la pierre parce qu’il y a une une inertie hydrique, une inertie thermique, une capacité de moulage, parce qu’il y a une érosion possible. On se rend compte qu’il y a beaucoup de matériaux dans le monde de la construction, qui sont une véritable ouverture pour intégrer ce vivant.
J’aime beaucoup le photographe Franco Fontana, photographe italien, qui capture des fragments de paysages qu’on connaît tous, généralement de l’agricole, de l’agro-industriel, et ce qui est assez trivial dans son travail, c’est que finalement on voit que ces lieux-là sont de véritables déserts écologiques. Il y a un changement de paradigme dans l’évolution des villes avec ce faux-semblant où une partie des campagnes continue de se stériliser, tandis que la ville cherche à retrouver un nouveau rapport à la ville, une nouvelle relation à la biodiversité, et au moment où les élus demandent de plus en plus souvent le coefficient de biodiversité. Tout un tas de choses qui sont en train d’entrer dans le monde de la ville, avec des attendus. Donc, nous réflechissons sur le sujet des villes qui se densifient de plus en plus et des gens qui vont de plus en plus habiter dans les villes, les prévisions avant la COVID-19 étaient très claires là-dessus.
Pour commencer, pour nous l’intégration du vivant commence par le sol. Par exemple lorsqu’on réaménage la caserne du Boulevard de Port-Royal, dans le 13e arrondissement de Paris, en université de droit, on commence par la Place d’Armes qui est un espace étanche, avec deux alignements de platanes, qui sont très beaux et qu’on va conserver. C’est la Place d’Armes que l’on désenrobe, on retrouve du vrai sol et on en fabrique un véritable jardin. Ce jardin va être, en fait, le point directeur de tout l’intérieur du projet, auquel on va restituer les fonctions fondamentales d’une Place d’Armes, c’est-à-dire rassembler, redistribuer les flux et redonner une fonction représentative. Dans cette nouvelle université de la Sorbonne, ce sont les mêmes fonctions que l’on a conservé à travers un jardin inspiré de Piet Oudolf, qui travaille beaucoup sur des tableaux de graminées.
En fait, ce n’est pas parce qu’un espace vert est très vert qu’il y a beaucoup de biodiversité. Biodiversité et espace vert sont deux sujets différents. En termes d’esthétique urbaine, il faut toujours avoir en ville une vision sur le végétal, quel que soit l’endroit où on est. Travail qui a fait beaucoup parler de lui parce que c’est assez expérimental, en fait c’est la question : comment est-ce qu’on importe, comment est-ce qu’on permet à la biodiversité de se développer sur les façades et quelle esthétique cela crée ?
L’agence va travailler sur une série de blocs en béton préfabriqués qui sont disposés en quinconces, dans lesquels on va intégrer un certain nombre de choses : des cannelures, des hôtels à insectes, des nichoirs, etc. en référence à des vieux murs de citadelles ou de chemins, qui vont coloniser petit à petit par une végétation lente, qui s’installe toute seule, sans arrosage automatique, sans engrais, sans rien. Donc nous sommes ici très loin des murs de Patrick Blanc, extrêmement entretenus et qui demandent beaucoup d’énergie et beaucoup d’argent. Là, le processus est libre. Cela nous conduit à imaginer des choses, notamment sur les cheminements et les différentes vitesse de descente de l’eau. L’eau c’est le premier ennemi du bâtiment et c’est en même temps le matériau dont on a le plus besoin quand on veut installer du vivant ou de la biodiversité.
Tout cela questionne sur : pour qui construit-on ? Est-ce qu’il n’y aurait pas une vision un peu plus holistique dans nos métiers de la construction, et pas que pour les architectes ? Le Corbusier a été très visionnaire sur un certain nombre de choses, il a vraiment instauré un gabarit humain, pour les confrères, pour la construction. Peut-être que l’on pourrait imaginer aussi de faire la même chose ou d’ouvrir en tout cas la porte à d’autres vivants qui viendraient coloniser de très près nos bâtiments.
Le bâtiment n’est plus juste un abri pour l’homme mais tout d’un coup il devient support d’une multiplicité de vivants, avec différentes histoires, avec différentes saisons, au fil des paysages. On retrouve donc un lien avec le climat, avec le temps qui passe, et pour nous en ville, cela fait peut-être parfois partie des choses qu’on a du mal à retrouver quand on est dans des milieux trop minéraux.
Colin Moorcraft, que vous connaissez peut-être, a dit cette phrase : « Chaque élément devrait aussi souvent que possible remplir plusieurs fonctions, et inversement, chaque fonction devrait être opérante de plus d’une façon. » C’est-à-dire que dans la nature, il n’y a jamais un élément ou un être vivant qui ne remplit qu’une seule fonction, la chaîne est toujours assurée de plusieurs fonctions et vice versa. Il est vrai, encore une fois, que dans nos milieux industriels, dans le milieu de l’architecture, un toit est juste un toit, cela remplit une fonction ; une façade, c’est juste une façade, cela ne remplit qu’une fonction, cela referme, ce qui est déjà fabuleux mais cela ne remplit qu’une fonction. Et finalement on se dit que, quand on marche sur un toit qui est plat, il devient sol, si on le plante, cela devient un jardin, pourquoi pas un terroir, si l’on y met des collines, on crée une topographie, on recrée une petite géographie, et tout d’un coup, le toit d’un bâtiment peut devenir beaucoup plus qu’un toit, à une ou deux pentes. Donc ce qui nous intéresse, c’est que cela requestionne la forme architecturale, la forme urbaine, et à terme, cela peut redéfinir aussi, la forme des villes donc les fondamentaux architecturaux.
Forts de cette expérience à Boulogne, nous avons imaginé que, dans cette idée de donner plusieurs fonctions à un seul matériau, peut-être qu’il y a un moyen de combiner tout cela et de trouver une paroi qui pourra à la fois accueillir, nourrir, tenir et isoler, bien sûr, les humains qui vivraient à l’intérieur.
Nous avons travaillé avec un cimentier extrêmement connu, Cemex, qui nous a ouvert son laboratoire de bétons innovants, de bétons poreux, de bétons sablés,... dont on a extrait une vingtaine de prototypes, qu’on a tous fait avec lui et qui sont intéressants parce que cela commence à redéfinir l’esthétique, la forme que l’on veut donner aux façades, pour lutter contre la fragilité des bétons et donc la fragilité des architectures. Cela requestionne les textures que l’on a envie d’avoir, parce que pour réussir à installer le vivant et pour permettre au vivant de s’installer, on peut avoir besoin de textures granuleuses, des choses moins habituelles dans une ville. Cela requestionne notre capacité à nous laisser envahir par le vivant. Par exemple quand on a du mycélium qui colonise les blocs de béton, cela requestionne, finalement, l’imbrication de l’architecture, de la nature et de l’homme qui pourrait habiter derrière.
On a mis en place cette expérience sur le nouveau siège de l’AP-HP, les Hôpitaux de Paris, notamment à l’Hôpital Saint-Antoine, dans le 12e arrondissement de Paris, dont on livre le chantier dans quelques semaines. Un projet extrêmement dense et contraint, comme bien souvent, avec une parcelle carré, à côté de laquelle on prend la liberté de développer un jardin malgré la densité, et sous lequel on va installer un amphithéâtre. Toute une continuité sols, murs et toitures. Le jardin est très topographié et omniprésent depuis l’intérieur du bâtiment. On va avoir un mur en béton qui retient ce jardin et qui retient cet amphithéâtre, et c’est là la première expérimentation à l’échelle 1. Pour ce mur en béton, on a déposé un brevet avec Vinci. Ce que nous appelons sol-murs-toiture, c’est vraiment le système avec deux parois, avec de la terre qui est piégée dedans et qui est mise en réseau, à la fois avec le jardin qui est en haut, et avec le sol qui est en bas, ce qui augmente considérablement les capacités d’accueil du vivant. Et donc nous allons avoir ici quelque chose d’assez expérimental, avec Martin Hirsch et Vinci qui sont montés dans le même bateau que nous.
Ici, nous avons le béton mais il n’y a pas que le béton donc on continue l’expérience, il y a d’autres choses à expérimenter. Le béton est une matérialité, une texture qui remplit plusieurs fonctions d’inertie, mais il y a aussi d’autres matériaux qui pourraient être plus vertueux environnementalement, plus durables peut-être. Ainsi, nous sommes repartis sur une nouvelle expérience, avec de la brique pleine, du mono-mur et de la pierre sèche. Au pied des bureaux du Muséum national d’histoire naturelle, c’est une expérience que l’on mène et qui est encore en cours. Le prototype est à l’étude par une jeune thésarde que nous avons à l’agence (hygrométrie, pousse des plantes,…).
Pour le Pavillon de la Métropole du Grand Paris, on a porté une attention particulière à l’esthétique. Les végétaux commencent à pousser et part, sur les réseaux sociaux, d’une manière phénoménale. Vous pourrez le parcourir tout à l’heure.
Donc, comment le mur peut-il réussir à piéger la terre, avec quelle imbrication mécanique des parois et pour quel visuel ?
Je vais terminer ma présentation avec un pôle logistique de 35 000 m² à Vitry-sur-Seine, en plein milieu d’un quartier d’habitation. On va travailler sur la lisière de ce pôle, on va créer un jardin de 800 mètres linéaires qui ceinture tout le pôle en imaginant une façade qui offrirait une diversité écosystémique, c’est-à-dire qu’on s’inspire de la lisière, on va prendre le bois clair, la fruticée et l’ourlet pour les restituer sur les différentes façades, de façon à respecter les différentes orientations. On travaille sur une maille, une densité de maille, une densité végétale. C’est une maille en inox pour offrir trois paysages différents qui vont être un véritable espace-tampon. En fait, c’est une façade épaisse de 2 mètres à 6 mètres, la fruticée cela va être un jardin d’arbres fruitiers, donc là aussi le rapport aux usages, à l’ouverture au public et à la récolte des fruits. Ce jardin va ceinturer un bâtiment dont l’architecture a été sacrifiée dans les années qui nous précèdent. Aujourd’hui, heureusement, il y a une prise de conscience sur ces questions. On se retrouve avec quelque chose qui prolonge l’espace public avec un jardin à domicile.
Pour finir, dans la même veine que celui-ci, parce que nous sommes vraiment sur du vide avec occupation de l’espace-tampon par le végétal, qui est la façade principale, le Grand Paris Express nous a confié la construction d’une gare du Grand Paris Express, qui est la gare de La Courneuve, pour laquelle nous sommes en tandem avec Duy Anh, l’artiste. Cette gare c’est un peu le même principe que le projet que je viens d’évoquer, c’est-à-dire qu’on va avoir une double treille au pied de laquelle on désenrobe, on retrouve de la pleine terre et on fait grimper du végétal. On s’inspire des treillis en bois tressé ou assemblé qui ne datent pas d’hier. On reprend des techniques traditionnelles qu’on fait évoluer parce que c’est de l’acier. On travaille une largeur de maille, ce qui redéfinit aussi un visuel différent, quand on est proche, quand on est loin. Le carrefour des six routes va être réaménagé. C’est une gare qu’on aperçoit de loin car il y a un effet de moirage permis par les treilles superposées, ce qui va ceinturer toute la gare, malgré tous les édicules sont masqués derrière. On aura enfin un jardin, avec deux mètres de terre sur le toit, qui va permettre aussi de prolonger le sol-murs-toiture.
Finalement, la gare c’est aussi un intérieur, c’est une gare que l’on peut traverser un peu comme un passage parisien. Le quai sur lequel Duy Anh va venir travailler et une voûte en briques, comme héritage de l’architecture industrielle de La Courneuve, pour laquelle on a déposé un ATEX, dont on attend le résultat. Un ATEX cela veut dire que, quand on fait des ouvrages qui n’ont jamais été réalisés, on doit prouver qu’ils résistent au feu, qu’ils sont bien sécurisés, … C’est un chantier de très grosse ampleur et c’est toujours encourageant de voir des choses sortir de terre.
Duy Anh Nhan Duc : Bonjour à tous, c’est la première fois que je prends la parole, je n’ai pas l’habitude. Cette aventure a commencé en 2018, quand José-Manuel m’a proposé de prendre conscience du projet qui allait se faire avec l’agence ChartierDalix. Je suis donc allé voir la présentation du projet de la gare pour 2026. Le projet m’a alors beaucoup inspiré et beaucoup touché. D’abord le toit avec son jardin arboré m’a tout de suite plu et fasciné, puis les matériaux utilisés, beaucoup de briques et donc la sensation pour nous, êtres humains, d’entrer sous terre. En fait (je ne me suis pas présenté) dans mon travail, j’utilise exclusivement des plantes sauvages : salsifis, pissenlits, du lichen, du plantain, et ce sont vraiment des petites plantes qui m’intéressent dans mon processus de recherche. Alors, étant donné que nous sommes sous terre, est-ce qu’on ne pourrait pas comprendre le souterrain, ses réseaux qui se propagent et se connectent entre eux ? Par ailleurs, je m’étais dit que, finalement, dans une gare on croise beaucoup de gens, sans les connaître, et donc je me suis dit qu’il fallait absolument trouver un lien qui pourrait associer les habitants et les futurs usagers du train et faire une connexion avec la nature environnante.
Je voulais faire une œuvre participative puisqu’on est un tandem. Je ne voulais pas imposer ma vision car il faut avant tout comprendre la population qui vit à La Courneuve et aussi ce parc, qui est le 3e plus grand parc d’Ile-de-France, prendre tous ces éléments et créer une œuvre à partir de là. Mon idée était de répertorier, de demander finalement aux habitants de La Courneuve leurs lignes de mains, leurs portraits à tout âge, et aussi aux usagers du Parc Georges-Valbon, de me raconter leurs histoires, leurs anecdotes, pourquoi ils y vont, car c’est un lieu assez fort de la ville. J’ai aussi interrogé des enfants et on a récolté 360 lignes de mains, sans changer leurs proportions. Nous les avons gardées intactes, et les avons reliées ensemble pour en faire des connexions de cette richesse culturelle. Au fond, je voulais créer un réseau de gens qui ne se connaissent pas, un réseau qui puisse s’étendre dans la gare, pour rendre l’œuvre vivante, dynamique et qu’une histoire s’exprime derrière cette œuvre.
Pour utiliser au mieux les végétaux, nous sommes allés, car nous sommes allés dans les coins les plus reculés du parc, pour que cela soit le plus sauvage possible. Le parc a un suivi : il y a la tonte, la coupe, … Il fallait capter toute la richesse du lieu, de sa biodiversité et utiliser cette richesse pour montrer la saisonnalité des variétés, toute la richesse architecturale de la structure des végétaux. Avec cette œuvre, nous voulons dire aux usagers et aux habitants : regardez ces plantes, leur composition. Regardez à quel point elles sont magnifiques. Regardez attentivement, passez du temps dans ce lieu.
J’avais dans l’idée de faire un herbier fantastique, avec des parois rétroéclairées, avec des végétaux intactes et que je vais dorer, pour tisser un langage et dégager une fresque aérienne et poétique, pour que les gens prennent le temps de découvrir leur environnement.
Par ailleurs, je voulais utiliser le système racinaire des plantes pour faire des empreintes sur les briques crues et encore fraîches. Ensuite j’insèrerai les lignes de vie des personnes que j’aurais auparavant collectées avec mes systèmes racinaires. On va fusionner, faire une hybridation de l’humain et du végétal. On va mettre en parallèle cette œuvre avec le projet architectural de ChartierDalix. Voilà, j’espère avoir été suffisamment clair. (Applaudissements)
José-Manuel Gonçalvès : Le projet artiste du Grand Paris Express consiste à associer un artiste et un architecte sur une gare. J’ai effectivement cette responsabilité, comme l’a rappelé F. de Mazières, de directeur artistique de ce projet. J’essaie de faire en sorte que des choses puissent se retrouver sur des lignes, des intuitions, voilà le sens, pour moi, de la direction artistique. La manière dont cela se passe dans le processus, au fond, c’est que la singularité de chacune de ces gares, commence dès le choix de l’association artiste/architecte. Ce que j’essaie de faire c’est entendre et écouter chacune des équipes, chacun des architectes ; il y a soixante-huit gares plus quatre/cinq locaux techniques, ces locaux techniques étant parfois plus grands que les gares elles-mêmes. Certains architectes, pas tous, ont environ deux-trois gares, ce qui fait qu’il y a une quarantaine d’architectes ou d’équipes d’architectes qui travaillent sur l’ensemble du programme du Grand Paris Express. En rencontrant chaque architecte, chaque équipe, il faut dégager des pistes afin d’approcher des artistes. L’enjeu est que l’on soit tout de suite à l’échelle évidemment de l’architecture puisque l’architecture est à l’échelle de la ville. L’idée n’est pas de faire une œuvre qui soit un alibi à la rencontre mais que l’œuvre soit à l’échelle de l’architecture. L’œuvre de Duy Anh est remarquable et très importante.
Avec l’architecture, on doit comprendre très vite la portée d’une œuvre car il faut faire vivre l’expérience. L’architecture c’est tout d’abord une expérience de l’espace, une intention très forte qui est donnée par les architectes, la plupart du temps sur une fonction. C’est un peu la contrainte des architectes à laquelle peuvent échapper les artistes.
Pour les artistes, en effet, il n’y a pas de contrainte de fonction, sauf à considérer que la beauté, l’esthétique est une fonction. Et c’est précisément à cet endroit-là, entre la contrainte et la fonction, que se situe la commande qui est faite aux architectes et aux artistes, cette idée d’interpréter le territoire et l’architecture et d’intégrer la fonction dans une ville, l’œuvre étant intégrée dans une fonction. Alors cette fonction est extrêmement concrète, visuelle et visible, mais aussi totalement symbolique.
L’œuvre est donc, de fait, la production d’un récit.
Alors ici, nous sommes à Versailles et il existe de formidables récits depuis tellement longtemps, notamment autour de l’Histoire de France. La question des territoires, c’est d’intégrer l’Histoire de France. À La Courneuve, on a la question de la banlieue, de la difficulté et de l’enjeu des transports en périphérie, donc il a fallu repenser la fonctionnalité et faire en sorte que l’on se pose les mêmes questions, que l’on soit dans le centre ou en périphérie d’une ville. C’est l’enjeu des gares. La Société du Grand Paris a souhaité, avec, à l’époque, le personnel politique, des gestes architecturaux et des gestes artistiques.
L’idée générale de tout cela c’est, au fond, ne plus considérer le paysage de la banlieue uniquement comme un endroit où s’exercent des fonctionnalités, et sans le dire quand on termine la phrase, pour servir le centre. De fait, à partir du moment où vous insérez des gestes architecturaux et artistiques, une intuition, une intention et un travail fait sur les formes, alors ces formes ne naîtront que dans un rapport aux territoires.
François a eu la gentillesse de le rappeler, dans le civil je suis directeur du Centquatre ; dans un autre civil, je suis directeur artistique pour la Société du Grand Paris, je ne suis pas dans la Société du Grand Paris, je suis une pièce rapportée puisque j’ai répondu à un appel d’offres, comme les architectes l’ont fait d’ailleurs, pour remporter ce concours sur cette intention-là : comment aujourd’hui, de manière extrêmement explicite, on montre aux populations de ces territoires, qu’ils ne remplissent pas simplement une fonction, mais qu’ils ont aussi le droit de participer à un imaginaire. Bien sûr, cela n’est pas valable pour toutes les villes traversées par ce réseau mais c’est le cas pour beaucoup de villes, environ cent quarante, qui ont besoin de se reconstituer des récits autres que ceux que l’on nous rabâche à longueur de journée. Donc il nous faut augmenter encore ce geste d’attention porté par le centre, représenté par cette société, et qui aide à produire de nouvelles ambitions pour le local mais avec une dimension nationale. L’ambition c’est que ces territoires soient visités, que les citoyens résidents puissent se sentir bien, notamment dans des espaces publics, avec la double vocation concrète et symbolique à la fois : visiter une exposition d’art public par la cohérence qui est donnée d’une fonctionnalité qui est celle du transport.
L’idée est assez simple mais les contraintes techniques notamment liées à la sécurité des gares, ce que tu rappelais tout à l’heure Pascale, sont nombreuses et tout à fait justifiées. C’est une bataille que l’on mène tous les jours pour empêcher des œuvres atténuées ou édulcorées, avec les techniciens qui eux-mêmes découvrent de nouvelles capacités d’usage des matériaux et de leur organisation, parce que précisément il y a d’autres pensées.
Quand les premières œuvres vont sortir en 2024, il y aura plusieurs milliers de personnes qui auront, pour chacune des gares, donné leurs avis, été pour, été contre, tout un ensemble d’opinions qui aura déjà permis de faire vivre un nouveau récit dans ces territoires.
Alors, quand vous allez d’une gare à une autre, c’est entre deux minutes et deux minutes trente, c’est le temps que vous mettez pour traverser une grande salle du Louvre. Donc nous ne sommes plus dans les mêmes mobilités, il faut se transposer : pour aller voir une œuvre d’une gare à une autre, vous êtes en train de visiter un musée à ciel ouvert. Sauf que ce musée, au lieu d’être dans un endroit où vous vous séparez des autres, en fait là, vous êtes avec les autres, dans un vocabulaire commun. D’un bout à l’autre du projet, du programme, on cherche le rapport aux autres, la connexion à l’environnement, dans un rapport d’équité, d’intelligence et de beauté. Il y a des matins je me lève et je me dis, wouaw c’est vertigineux, mais je suis sûr d’une chose, et je la vois déjà sur le terrain, c’est qu’il y a de quoi être émerveillé. Merci de votre écoute. (Applaudissements)
François de Mazières : ça donne envie ! On va aller visiter toutes ces gares de métro Grand Paris. J’aurais une question, dans les choix que tu as guidés José-Manuel, il y a une très grande diversité alors que dans ce projet il y a un cadre très spécifique. C’est vraiment la gare où l’artiste comme l’architecte, travaille le plus sur cette notion de vivant dont la beauté de la création artistique est le premier support. Comment vois-tu justement, aujourd’hui, l’évolution parce que tu as des propositions artistiques qui sont très différentes de gare en gare, comment vois-tu cette place, cette révolution du vivant que l’on sent dans l’architecture en tant que priorité n°1, après une opposition pendant des décennies ?
José-Manuel Gonçalvès : Il y a d’ores et déjà un cahier des charges extrêmement fort dès le départ sur les ressources utilisées pour la construction de ces gares, sur les terres du Grand Paris. Il ne faut pas se leurrer, on sait très bien qu’au moment où on commence à bâtir, il y a une rupture qui est faite avec l’environnement, quel que soit cet environnement d’ailleurs, même quand il est urbain. La question c’est comment on arrive à se glisser dans cette rupture, comment elle permet de nouer un lien nouveau, qui est comme un accord tacite passé entre nous tous. La nature doit retrouver sa place et la question de la nature implique la question des hommes, c’est-à-dire comment nous vivons différemment les villes. C’est une question organique dont nous sommes bien évidemment partie prenante.
Dans ce projet, tout n’est pas encore ficelé mais il y a des artistes qui sont des pointures mondiales : Pistoletto, Buren ou Stromae par exemple. Notre projet est en fait un véritable protocole de réconciliation entre la nature et la ville. Quand je suis allé voir Stromae, nous n’avons parlé que de Saint-Denis : un artiste, un territoire, la gare de Saint-Denis Pleyel. C’est un sujet qui l’intéresse vraiment, lui qui a ses origines dans un pays où l’on a spolié ses ressources naturelles… Il ne va pas faire une chanson pour Saint-Denis, il va faire une œuvre, une œuvre pour la population, une œuvre sur la place de la nature, au plan organique, dans cette gare, avec cette idée que la nature permet de réparer le rapport entre les hommes et les femmes. Son histoire personnelle est toujours celle de comment réparer, et quand vous écoutez son dernier album, il a eu une intuition géniale, puisqu’il était allé pour sa première chanson, en Ukraine, discuter avec des Ukrainiens dans un bar, avant que la guerre actuelle ne survienne. C’est l’intuition des grands artistes.
François de Mazières : Donc tout ramène à la nature… Pascale, tu voulais compléter sur un point ?
Pascale Dalix : Oui, bravo José-Manuel, tu as très bien résumé l’idée qui nous motive et je voulais donc te remercier pour tout ce que tu as fait, pour ton intuition et ton partenariat. Tu l’as aussi très bien exprimé, la question de la gare c’est à la fois appartenir à un grand réseau de la SGP et être identitaire, sur ce réseau et sur la ville qui accueille cette gare. C’est ici que c’est compliqué et où nous pouvons devenir schizophrènes puisqu’il faut à la fois garder les deux entités : une gare sociale et une gare architecturale, une gare de la ville et une gare de la modernité. Avec Duy Anh, tout cela a très bien fonctionné. Donc c’est une belle aventure, un beau tandem.
François de Mazières : Oui je pense effectivement que vous étiez faits pour être rassemblés sur ce projet. C’est fou combien aujourd’hui les artistes s’intéressent à la nature mais y compris au vivant dans la nature. Il serait peut-être intéressant Duy Anh que tu nous dises un peu plus ton itinéraire.
José-Manuel Gonçalvès : Duy Anh a une manière de fixer la nature : on a l’impression en voyant ses productions en images que ce sont des natures mortes. Son travail repose sur l’idée de montrer en quoi cette nature est encore fertile. Il m’a appris des choses. Je ne suis absolument pas botaniste ni quoi que ce soit, je prépare en ce moment une exposition sur les graines qui ouvre dans trois semaines et que je prépare avec Gilles Clément. Et d’une certaine manière, cette rencontre m’a permis de mieux comprendre en quoi les graines peuvent servir nos projets, comment elles circulent et peuvent créer de la beauté. Au début, Duy Anh ne savait pas que je le connaissais (parce que 80% des artistes que j’amène sur le projet, je ne les connais pas auparavant en fait) et je ne vais vers les gens que si j’ai des choses à leur dire, et pas seulement pour des mondanités. Et le travail est un bel endroit pour se rencontrer. Je connaissais son travail, je m’en étais fait une idée, une idée, finalement, qui n’était pas tout à fait celle que j’ai découvert à ses côtés, à mesure de nos échanges.
Duy Anh Nhan Duc : Je vais essayer de me rappeler de toutes les questions… En fait, il faut savoir que je suis autodidacte donc c’est encore difficile pour moi de me dire « artiste », je me considère plutôt comme un « cueilleur contemplatif », avant même d’être plasticien, et de cette contemplation de la nature, j’en ai fait mon travail. Un travail qui me plaît pleinement, un terrain de jeu et d’expression, un lien avec la nature. Je suis parti du Vietnam à l’âge de dix ans, et là-bas je vivais dans un milieu arboré, dans une nature luxuriante. Ce métier me rappelle mes souvenirs d’enfance : je grimpais aux arbres, je jouais avec la terre, des plaisirs simples en somme, mais qui me sont restés profondément. Déraciné de ma culture, la France est devenue ma culture, depuis plus de trente ans. Pendant tout ce temps je me suis cherché, et finalement les plantes m’ont aidé à travailler depuis dix ans : le pissenlit, l’ortie, le chardon, l’artichaut, le trèfle à quatre feuilles, l’hortensia… Des végétaux à profusion que j’observe en me baissant, en les cueillant au bon moment.
François de Mazières : J’ai une question sur ce point, quant à la fragilité des végétaux. Les œuvres que j’ai vues à Chaumont-sur-Loire, un assemblage fascinant de pissenlits suspendus par la tige, justement j’osais à peine passer dessous. Ce qui est extraordinaire c’est que là tu dois travailler sur un lieu qui doit être le plus résistant possible, alors qu’en fait tu travailles sur la fragilité.
Duy Anh Nhan Duc : Je pense que chaque plante mérite notre attention. Pour ma part, je suis amoureux du pissenlit, sans savoir si cette plante m’aime, donc je crée un langage conceptuel. Dans la réponse de cet amour inattendu et pour que je puisse travailler avec elle, il fallait que je l’observe. Dans l’observation, il y a des cycles, des montées et des descentes de sève. Il y a des moments où l’on sait que l’on peut cueillir. J’ai bien mis un an pour comprendre le processus de la plante. Voilà pourquoi, je peux dire maintenant que je collabore avec elle. Chaque exposition m’amène un peu plus vers son ADN.
Pour ma dernière exposition en 2021, par exemple, le musée Guimet m’avait donné carte blanche. Dans la nature, l’homme se sent tout puissant et arrache la plante, mais en réalité elle n’est pas fragile, elle s’est simplement créée un stress et du même coup elle se répand, s’ouvre, explose et finalement nous l’aidons à se semer. Pendant dix ans, j’ai contraint le pissenlit à ne pas être libre. Dans l’exposition au musée Guimet, j’ai créé le parloir des souhaits, j’ai mis des graines en dormance, qui semblent mortes mais qui ne le sont pas. On pouvait alors, par un mécanisme, actionner ces milliers de graines posées et soufflées dans ce parloir, et ainsi on fait vivre un mouvement de milliers d’astéracées.
Voilà donc mon travail : comment jouer avec la nature, l’appréhender, l’utiliser, sans la dénaturer ? Par rapport au projet de la gare, c’est le grand écart, je n’aurais pas pu faire une œuvre aussi grande, aussi complexe, aussi pérenne. Donc ç’a été un challenge parce que ce n’était pas sur la fragilité de la matière que j’allais travailler mais plutôt sur le lien et l’âme du lieu, c’est ainsi que sont nées les empreintes.
François de Mazières : Ce qui est formidable, c’est que cela a réussi et parfaitement rempli les cases, on y a retrouvé toute la volonté décrite tout à l’heure par José-Manuel, en tant que témoin d’une population.
Alors Pascale, tu nous as partagé plusieurs projets de l’agence, tous fascinants, il faut le dire. Est-ce que tu penses qu’une nouvelle esthétique va naître ? Est-ce que tu penses que vous développez un nouveau courant dans l’architecture ?
Pascale Dalix : Je dirais que c’est une voie possible, c’est celle que l’on a choisi de prendre. Moi aussi, je suis amoureuse du végétal, de tout vivant d’ailleurs. C’est une voie que l’on a envie de privilégier pour faire évoluer les villes, les habitants, pour des raisons environnementales, architecturales, sociales. Il y a toute la question du comestible que l’on n’a pas abordé là mais sur laquelle nous sommes en train de travailler d’une manière extrêmement sérieuse, avec ce que l’on a appelé le « bâtiment-ressource », c’est-à-dire comment un bâtiment peut devenir lui-même une ressource.
Des confrères et nous-mêmes pensons découvrir de nouveaux matériaux, il y a par exemple un matériau que j’ai très envie d’explorer, c’est le mycellium, très utile notamment pour rendre les murs autonomes en termes de minéraux. Quand on le chauffe, cela devient une paroi, du design, donc il y a toujours d’autres matériaux issus du vivant et certainement très vertueux que l’on peut continuer à utiliser en architecture. Il y a encore beaucoup de choses à explorer dans l’architecture de demain, notamment dans le « vivant vivant », le vivant que l’on utilise et qui continue de vivre, de pousser sur nos créations. Il y a beaucoup d’autres voies possibles, ce sont des choix.
Question du public : J’aurais une question. Vous avez dit que le bâtiment devait devenir une ressource et cela me fait penser à quelque chose, je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Il y a quelques années, j’avais vu un projet fait dans un bidonville au Brésil, où un sol permettait d’éclairer un terrain de football, simplement avec les pas des jeunes qui jouaient au football, ils faisaient de l’électricité avec le sol. Je ne comprends pas pourquoi on n’en parle pas du tout. Cela a été fait dans un bidonville, donc cela ne devait pas être un projet excessivement cher. Est-ce que cela fait partie des exemples ou travaux que vous connaissez aussi ?
Pascale Dalix : Alors je ne connais pas cet exemple en particulier mais je sais qu’il y a une boîte de nuit qui avait aussi développé ce système, au vu du certain nombre de pas transformés en énergie.
José-Manuel Gonçalvès : Quand le DJ est bon ! (Rires)
Question du public : Parce que voilà, pourquoi ne pas construire des routes sur lesquelles on fabriquerait de l’électricité en conduisant dessus ?
Pascale Dalix : Je pense qu’il y a plein de sources pour fabriquer de l’électricité : l’eau, le mouvement, le courant, effectivement ce sont des pistes en évolution.
François de Mazières : Il y a beaucoup de recherches, aujourd’hui, de la part des architectes sur la récupération des déchets. Pascale Dalix et Frédéric Chartier en ont fait un livre récemment sur cette question. Il y a aussi cette idée de comment le bâtiment devient support de la vie, idée essentielle qui sous-tend qu’il faut éviter de faire des déchets, ou si déchets il y a, il faut les récupérer et en faire des supports de vie. C’est l’idée fondamentale du moment.
Pascale Dalix : Oui, c’est « Comment les déchets des uns deviennent les ressources des autres ? » Le principe n°1 de la nature, en somme.
Pour le Pôle d’excellence pour le biomimétisme marin à Biarritz, on avait une partie du bâtiment conçue en coquilles d’huîtres, les huîtres étant des déchets aussi, qui partent à la poubelle.
François de Mazières : Je vous invite à faire le tour de ces expositions, vous aurez certains éléments, plutôt des éléments d’interrogation, d’ailleurs, que des réponses, parce que tout est processus d’interrogation. Dans ces projets artistiques, ce qui est important, c’est que les gens se mettent en question, au bon sens du terme, c’est-à-dire qu’ils voient des choses qui les séduisent ou qui les amènent à réfléchir, sur la nature, sur la société.
Alors on avait un débat hier où la question de l’esthétique a été posée parce que, à un certain moment, quelqu’un a dit : « Au fond, ce qui est beau est utile, ou à l’inverse, ce qui est utile est beau. » Nous nous sommes un peu insurgés, parce que c’est assez limitatif. Comment vous, vous voyez les choses ? Parce qu’à partir du moment où l’on dit qu’il y a une préoccupation n°1, qui est éviter le réchauffement climatique, éviter d’abîmer la planète, est-ce qu’on n’en arrive pas à dire que les bâtiments qui seront les plus intelligents, les plus utiles, deviendront les plus beaux ? Comment y répondrez-vous ?
Pascale Dalix : Il me semble qu’il y a un mouvement gigantesque de la part des architectes et généralement du monde de la construction, de s’emparer de cette question environnementale dans l’architecture, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années. Même nous architectes fuyions un peu cette question parce que le bâtiment performant environnementalement était souvent relativement sacrifié. En tout cas, on percevait qu’il y avait visuellement des efforts faits dans cette direction et que ce n’était pas toujours formidable. Et là, pour la première fois, je vois qu’il y a quelque chose de phénoménal, un engouement, un élan, une dynamique incroyable, sur la volonté de faire du beau en prenant en compte les questions environnementales.
François de Mazières : C’est vrai, souvent on nous dit d’économiser les énergies : les fenêtres diminuent, le béton augmente, la hauteur des plafonds aussi, etc. Et toi, José-Manuel, est-ce que tu vois ce genre d’interrogations dans toutes les pratiques artistiques ou pas ?
José-Manuel Gonçalvès : La question de l’utile et de l’agréable dont on pourrait dire que c’est la dimension esthétique, c’est une expression qui existe depuis très longtemps donc on voit bien que cette question est à l’œuvre depuis très longtemps : est-ce que l’on peut à la fois travailler sur une dimension esthétique avec une priorité donnée aux formes et est-ce que quand on donne la priorité aux formes, on n’enlève pas de la fonctionnalité ?
Aujourd’hui on cherche moins à essayer de fusionner qu’à créer un point de tension. Intégrer n’est pas faire disparaître l’autre, c’est lui faire une place. Avant et c’est un peu l’histoire de l’homme, c’était la domination de l’un sur l’autre. Aujourd’hui on essaie de chercher ce qui appartient à l’autre, ce qu’il y a d’intéressant en chacun de nous et de rendre cela visible. Dans ces expositions, on peut tous assister aux expériences, les voir, les juger, voir qu’il y a des protocoles, des éléments pas évidents et qui sont en tension, mais qu’il faut retrouver comme des évidences.
Je repense à ce que vous disiez Madame (dans le public) quand vous parliez du Brésil, il se trouve que c’est une de mes terres d’origine et j’y ai puisé beaucoup pour mon travail aujourd’hui.
Aujourd’hui, on ne juge pas des initiatives qui sont prises à tel ou tel endroit, par telle ou telle personne. Tout était radicalement différent il y a encore dix ans [les initiatives écologistes étaient encore vues comme des projets de babas-cool] mais cela ne veut pas dire qu’il y avait peu de gens qui s’y intéressaient. À présent, l’économie et le politique, même s’ils ne veulent pas s’y intéresser, s’y intéressent. Ce qui était vu comme anecdotique à l’époque, est maintenant testé, rendu visible, expérimenté, objet de critiques donc d’échanges.
Chaque projet implique des choix, des doutes, de la schizophrénie, comme tu disais Pascale et comme tu disais François quant à l’utile et au beau. Il nous faut en effet rejoindre les deux, car un projet architectural, artistique est comme un corps humain, on a besoin des deux. Il nous faut de la conciliation, de l’intelligence entre toutes les parties de la société et de la nature dont nous faisons partie. C’est cela qui est nouveau.
À Versailles, et François le sait très bien, la question de la nature se pose depuis très longtemps, c’est remarquable. En faisant cette biennale, on vient le réaffirmer et prouver que ce n’était pas un courant historique ni une histoire parcellaire. Dans l’art, c’est la même chose, c’est une forme publique. L’art contemporain était dans les musées et seuls les spécialistes y allaient, cela ne faisait pas de débats puisque personne n’y allait, il y a trente ans, c’était totalement à la marge.
Quand la première exposition de Jean-Jacques Aillagon, qui présente de l’art contemporain à l’intérieur du Château de Versailles, a lieu, cela fait scission avec le passé, il vient amener une véritable question sur ce qu’est l’art contemporain. Du même coup, il attire des foules de curieux, de gens qui s’intéressent et cela fait un énorme débat public : d’un seul coup, l’art contemporain qu’on mettait dans les musées, on le met dehors. Rupture. Ce qui était marginal, devient mode. Aujourd’hui, on en pense ce que l’on veut bien sûr, mais partout la question de l’art contemporain ne se pose plus.
D’une certaine manière, une manifestation comme la Bap ! contribue à rendre visible quelque chose qui est à l’œuvre depuis très longtemps, mais qui est rendue là d’une manière synthétique, non schématique, et complètement ouverte sur les tendances. C’est cela que l’on est en train de vivre, tous ensemble. Alors, on va encore s’affronter, on va encore discuter, d’accord ou pas d’accord, mais c’est à l’œuvre, c’est incontournable.
François de Mazières : Il y a peut-être quelque chose qui est en train de réconcilier les populations avec l’art contemporain, c’est justement ce retour de la nature. La sensibilité qu’exprime par exemple Duy Anh à travers ses créations, tout le monde est touché, il y a quelque chose de l’ordre de l’ontologique : c’est la nature de l’artiste qui répond à la nature de l’homme. Je suis très frappé par ce retour d’expressions artistiques, c’est la contemplation pure. Cela participe de l’intégration de l’art contemporain. Entre rejets, ruptures et sensibilités, cette question des formes touche toutes les populations, cela crée de la curiosité, notamment sur d’autres formes d’art contemporain qui sont plus en rupture. Je trouve qu’il y a une évolution très intéressante, et dans l’architecture c’est exactement ce que l’on est en train de vivre aussi.
Aujourd’hui, l’architecture intéresse plus : moins de brutalité et de stéréotypes dans les formes de construction. Est-ce que Duy Anh, toi aussi tu sens cela également ?
Duy Anh Nhan Duc : De toute façon, quand on aime quelque chose, on y passera du temps, de l’énergie, de l’attention. Par exemple, quelqu’un qui va travailler avec la terre, qui va faire de la céramique, c’est parce qu’il est amoureux de cette matière. On a maintenant cette culture d’aller chercher soi-même la ressource première. Tout le monde parle de la perte de la biodiversité mais en réalité on ne la voit pas disparaître. Si l’on aperçoit tous les jours un colibri ou un papillon, et que progressivement on ne le voit plus, alors on comprendra l’effet d’extinction. Quand on voit ce que l’on perd, on a plus envie de protéger. Tous les jours, je me dis, moi qui travaille beaucoup les graminées et les pissenlits : « Et si dans vingt ans il n’y en avait plus ? Ça serait dramatique ! »
Dès lors, comment peut-on préserver ce qu’il reste ? comment amplifier et montrer que c’est beau et que l’on en a besoin, que c’est une richesse ?
Dans chaque projet que je mène, même si je suis autodidacte, je vais suivre une formation, par exemple pour la sculpture sur bois ou le travail de la céramique, car ce n’est que de cette manière que je comprends la matière : d’où cela vient et qu’est-ce que l’on en fait. Travailler sur des plantes communes, avec du recul, je me dis que j’ai beaucoup de chance.
François de Mazières : Y a-t-il des questions dans la salle ?
Question du public : Si j’ai bien compris, c’est un peu un laboratoire ce projet du Grand Paris Express, sur la question des mobilités, et sur le fait de penser une gare de soixante-huit façons différentes. Est-ce qu’il y a des moments de rencontres entre les équipes qui travaillent sur ce projet ou chacune d’entre-elles évolue-t-elle de manière autonome ? Qu’en est-il de l’intégration des artistes, de nouvelles fonctions dans l’enjeu de cohésion urbaine pour une gare, sur ce que, globalement, une gare peut être, une ville peut être, aujourd’hui et dans cinquante ans ?
José-Manuel Gonçalvès : En fait, on fait des propositions et quand un architecte se sent à l’aise avec un artiste, on appelle l’artiste, qui répond oui ou non. À 99%, on m’a répondu oui, « oui on te suit, on va à la rencontre », c’est comme ça que ça se passe, c’est aussi simple que cela. J’observe comment les artistes se parlent, s’écoutent et s’entendent. Je ne demande qu’une seule chose, c’est que l’artiste produise une image issue de la discussion et que sur cette image nous soyons d’accord, pour tenter de faire quelque chose ensemble.
Moi je suis là, j’assiste et j’ajuste, avec derrière toute la machinerie administrativo-technique que j’essaie d’anticiper pour éviter d’aller dans le mur. Donc il y a tout un protocole fictionnel pour arriver à tout faire pour que la nature existe à tel ou tel endroit, là notamment au sein de la gare, avec le parc Valbon. Je veille à ce que chaque parcours que nous allons faire demain, d’une gare à une autre, nous puissions vivre l’aventure de ce que sont ces territoires.
Voilà pourquoi je dis souvent que je n’essaie pas de créer des choses identitaires mais des choses singulières. La différence entre les deux, pour moi, c’est que l’identité revient à l’endroit où l’on naît ; la singularité c’est par rapport aux autres. Or là, le réseau c’est toujours les autres, pour que chaque gare ait son histoire, sa singularité, sa couleur, pour avoir des émotions de la part des voyageurs et des habitants, dans un apparent chaos de la vie de tous les jours.
Ce qui m’intéresse dans tout cela, c’est l’expérience face ce que l’on appelle « beau ». Le beau c’est qu’à un moment on a une émotion qui est quelque chose dont on ne peut pas exactement expliquer le pourquoi, et pourtant on passe notre temps à essayer de l’expliquer, parce qu’il s’agit du sensible, de la fragilité, quelque chose dont on sait que cela ne va arriver qu’à ce moment-là. On ne va pas tous jusqu’au syndrome de Stendhal, qui va jusqu’à l’évanouissement face à une œuvre, mais pourquoi pas, c’est cela l’idée de la beauté.
Bien sûr, il y a des contraintes techniques, financières, de proximité, de sécurité, tout le monde ne pense ni ne travaille de la même façon dans le processus. C’est fastidieux mais par là on comprend mieux comment peuvent se construire des oppositions car c’est souvent dans une incompréhension de l’autre. C’est comme travailler avec les maires : on n’a pas tous la chance d’avoir un maire qui comprend tout de suite quel est l’enjeu ! Je peux vous l’assurer.
Pour le succès de ces expériences émotionnelles, il faut tenir bon car les contraintes techniques peuvent être très nombreuses et inattendues. Donc toutes les intelligences doivent être à l’œuvre et chacun va faire avancer les choses, jusqu’à questionner voire révolutionner les questions règlementaires, donc on fait avancer la norme. Problème, ce sont des espaces extrêmement normés et pour de très bonnes raisons : on veut tous être à l’heure. Les conditions de confort obligent à faire des normes donc nous sommes bel et bien dans un monde de normes. De cette façon, les territoires doivent s’approprier ces productions, ces nouveautés, ces révolutions, ces nouveaux langages. Au fond, pour finir ma très longue réponse à votre courte question, sur la question de la nature, on est tous en apprentissage. Franchement je n’y connaissais rien à l’origine, je ne savais pas comment tout cela aller se traduire dans mon métier.
Ces projets sont épuisants, il faut tenir bon, les réunions s’accélèrent et on n’est jamais à l’abri d’une intervention pertinente qui remettra tout en cause. Le risque peut survenir à tout moment et faire basculer le projet.
François de Mazières : En fait, tu es en train de vivre ce que vivent les architectes.
Pascale Dalix : Pour finir, je voudrais revenir sur un mot : l’expérience émotionnelle. C’est là que vraiment l’architecture et le vivant ont des choses à se raconter. Il y a des bâtiments qui ne bougent pas et pendant des années, on dirait, pour certains bâtiments, qu’ils viennent juste d’être livrés. Sur eux, avec des matériaux de qualité, par exemple le Château de Versailles, le temps ne passe pas. Alors c’est super, les maîtres d’ouvrage sont heureux et les architectes aussi. Quand on installe tout à coup du végétal autour, sans que cela recouvre tout forcément, tout à coup on raconte une autre histoire du temps. À l’aspect d’un végétal, on peut dater le bâtiment ou le végétal, on voit le temps passer : là où le temps a glissé, il marque, il est représenté, on peut l’apercevoir quand on a installé quelque chose qui vit, qui prend les saisons, qui meure éventuellement, etc. Donc entre l’architecture et le végétal, c’est toute une histoire d’amour à développer.
Question du public : Vous parlez souvent de flux, de mobilités, de rencontres, il y a un mot que je n’ai pas entendu, c’est le mot « scénographie ». Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
Pascale Dalix : La scénographie d’une gare, d’un bâtiment en général, on appelle aussi le « parcours », c’est-à-dire comment est-ce qu’à l’intérieur d’un bâtiment on rend le bâtiment intéressant, on l’ouvre à ses utilisateurs. Quelque chose qu’on vit tous et tous les jours, trop de bâtiments sont fermés, avec des portes inutilisables, on n’a pas le droit d’aller partout. Par exemple on construit des écoles, il y a un quart de l’école où les élèves n’ont pas le droit d’aller. Donc l’enjeu c’est comment redonner aux gens une sorte d’appétence et d’envie de respecter, d’entretenir, d’utiliser et d’aimer le bâtiment. Il faut toujours apprendre à connaître un bâtiment, savoir comment aller d’un bout à l’autre, comprendre comment ce bâtiment est organisé à l’intérieur d’un îlot, d’un quartier, d’une ville, d’où vient le soleil, où est le nord, etc. Tout cela permet aux habitants de reprendre la main. Une ville c’est des flux, que nous traversons et qui nous traversent, et l’architecture est le passage de l’intérieur à l’extérieur et vice versa, donc toujours une question de seuil.
François de Mazières : Jolie définition. On a pris un peu de retard, on va peut-être prendre une dernière question.
Question du public : J’ai besoin de vous poser une question car je suis très touchée par l’accessibilité aux personnes handicapées et tout à l’heure vous parliez d’expériences émotionnelles, en l’occurrence je trouve très bien de faire voyager les gens, mais pour les personnes qui sont sourdes et muettes ou avec des défaillances visuelles, comment faites-vous pour faire voyager les sens à travers ce magnifique projet ?
Pascale Dalix : Via les odeurs notamment, quand on passe sous une glycine, en ce moment les jasmins sont en fleurs, c’est une solution. Pour les personnes qui entendent, les sons, la réapparition d’oiseaux par exemple est flagrante dans certains cœurs d’îlots parce que la ressource est présente. Avec les végétaux, il y a toujours de quoi alimenter nos cinq sens, pour tout le monde, même à destination des handicapés, auxquels il reste toujours au moins un sens.
José-Manuel Gonçalvès : Dans les cahiers des charges qui nous sont donnés, il y a par exemple des endroits où on pourrait avoir envie de produire quelque chose, et où on ne va pas parce que précisément cela ne répond à aucun des sens possibles des personnes dites handicapées. Donc dans les éléments pour les artistes, l’endroit choisi et la nature de l’œuvre sont mis en résonance avec les personnes en difficulté, et pour cela, des choses ne sont pas faites malgré parfois des évidences, c’est clairement identifié.
Pascale Dalix : Je vais illustrer ce que tu viens d’expliquer : il y a un espace dans la gare qui est inaccessible aux handicapés, mais pour que les handicapés moteurs puissent quand même percevoir l’œuvre de Duy Anh, on a descendu d’un niveau une partie de son œuvre.
Duy Anh Nhan Duc : Oui, au début du projet, je n’avais proposé que deux œuvres : le système racinaire au plafond et l’herbier fantastique, donc les parois vitrés avec la biodiversité du monde sauvage du parc Georges-Valbon. Le projet a évolué puisque les personnes à mobilité réduite ne pouvaient pas accéder à la mezzanine et ainsi ne pouvaient apercevoir la voûte. Ils ne pouvaient qu’accéder directement aux quais donc il fallait recréer une histoire et raconter la totalité des deux œuvres au-dessus en une seule illustration et finalement c’était une aubaine, car j’ai fait une fusion des deux, des empreintes racines et hommes, qu’on peut toucher, ce qui a créé une hybridation sur le matériau. Je pense maintenant que le projet est complet.
François de Mazières : Un très grand merci, je crois que grâce à vous, on a tous envie d’aller à La Courneuve. Il faut découvrir ces projets architecturaux, ces productions artistiques ! Merci infiniment à vous trois, je suis très heureux qu’on finisse ces débats sur cette notion qui touche vraiment à la beauté. Je vous invite aussi à vous rendre au Potager du Roi, exposition extraordinaire de Gilles Clément. Un très beau jardin, ils se sont donnés beaucoup de mal, en un an de travail, de très beaux végétaux ont poussé sur un sol en mauvais état à l’origine. Dans un bâtiment qui touche, vous avez de très belles présentations, avec des pancartes, des ouvrages, des documents avec un superbe papier, où il est question de projets d’aménagements urbains. Ça fait rêver parce que certains ont été réalisés, on voit l’incroyable transformation des lieux. Donc plein de choses à voir. Merci infiniment pour votre talent à vous trois. (Applaudissements)