Pour une nouvelle politique culturelle

Que pourrait être aujourd’hui une politique culturelle d’une nouvelle majorité de droite et de centre ?

Dans le bilan du quinquennat en voie d’achèvement du président Hollande, l’absence d’une ligne directrice culturelle claire est frappante. Trois ministres en quatre ans, une baisse historique des crédits du ministère au cours des deux premières années de son mandat suivie d’une petite hausse largement factice en 2016, grâce à un artifice comptable, un amour déclaré pour la démocratisation culturelle contredit par l’abandon du soutien aux structures d’enseignement artistique (reconnu depuis comme une erreur), aucun grand projet, une seule loi fourre-tout, qui sans la mobilisation des associations et des élus locaux aurait mis en péril la protection du patrimoine, le bilan de l’action gouvernementale en matière culturelle confirme le désintérêt entrevu dans les promesses du candidat Hollande. Ce maigre bilan fournit en creux les principaux axes d’une relance de la politique culturelle française, au moment même où les tragiques événements de 2015 et 2016 appellent une réponse culturelle forte.

D’abord, il faut redonner de la permanence à la politique culturelle en relançant, dans cette période de forte tension budgétaire, le critère du 1 % culturel (1 % du budget de l’État est consacré au ministère de la culture). Entre 2010 et 2012, ce niveau fut atteint avant de plonger à 0,83 % en 2016. Cet engagement devrait faire partie de ceux sollicités auprès des candidats à la primaire. Le mécénat, rendu plus efficace grâce à la loi de 2003, doit également être encouragé.

La réponse que notre société se doit d’apporter aux dérives sectaires conduit à mettre au premier plan l’éducation artistique. Ce secteur a trop été délaissé et nécessite une collaboration renforcée entre l’État et les collectivités territoriales. Il faut revenir à l’esprit du plan Landowski, ce brillant directeur de la musique, à qui la France doit une organisation de l’enseignement musical à la fois décentralisée, démocratique ne négligeant pas pour autant les formations professionnelles. Toucher les jeunes le plus tôt possible est une nécessité. A cet égard les interventions d’artistes à l’école, le soutien des initiatives en faveur de l’apprentissage de la lecture, matrice de toute sensibilisation culturelle, les actions d’émulation entre écoles, comme les concours interscolaires, doivent être soutenus.

La préservation du patrimoine, objet dans le monde des attaques des obscurantistes, doit également être une priorité. Le mouvement d’adhésion populaire autour de notre patrimoine, grand ou petit, doit être relancé en s’appuyant notamment sur une législation consolidée et non fragilisée, une administration régionale à qui l’on redonne confiance après le traumatisme d’une nouvelle carte régionale menée à la hussarde, un tissu d’associations très dynamiques et la Fondation du patrimoine trop négligés ces dernières années. L’emploi dans le secteur du tourisme culturel et la restauration des monuments doivent être encouragés pour permettre de répondre au défi que Malraux donnait au ministère des affaires culturelles : « assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel ». La création d’un loto du patrimoine pourrait participer à cette nouvelle mobilisation.

L’intérêt que portent nos concitoyens à l’architecture est un levier sur lequel il faut également s’appuyer. La valorisation de la création contemporaine de qualité est l’autre versant de la démocratisation de la culture car elle se donne à voir, à tous, gratuitement. En 2009, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Nicolas Sarkozy annonçait, à la suite de la consultation des architectes du Grand Paris, la création d’un nouveau métro et d’une quarantaine de gares. Quel que soit le candidat élu, ces gares deviendront les grands travaux du prochain quinquennat. Une aubaine à saisir pour le futur président.

Le rayonnement de notre pays passe par le soutien à la création artistique. En ce domaine, le ministère de la culture souffre d’un syndrome de bureaucratisation. Non seulement les artistes n’ont plus le sentiment d’être entendus par leurs pairs, mais les procédures sont devenues lourdes, lentes, contraires à la nature même de la création qui vit de liberté et meurt de contrainte. Une articulation par disciplines artistiques (le théâtre, la musique et de la danse, les arts plastiques), des directeurs reconnus pour leurs expériences artistiques autant que pour leurs capacités de gestionnaires redonneraient du sens. L’intermittence du spectacle est un outil indispensable à la diffusion artistique sur tout le territoire. Il faut le préserver dans sa spécificité de régime d’assurance chômage géré par les partenaires sociaux, en en limitant les abus par une meilleure gestion de l’entrée dans ce régime et de son suivi au niveau local.

Face à la puissance des grands acteurs de l’Internet, le ministère de la culture est en première ligne pour la défense du droit d’auteur et de nos grandes filières économiques culturelles (le livre, le cinéma, la musique). En portant la première atteinte à la règle des quotas de diffusion de chansons françaises, inchangée depuis plus de vingt ans, la loi relative à la liberté de la création à l’architecture, et au patrimoine a créé un précédent. En incitant les chercheurs à mettre en accès gratuit leurs publications après six mois ou douze mois, la « loi pour une République numérique » porte un rude coup à l’édition scientifique. La réaffirmation par les candidats à l’élection présidentielle de leur attachement à défendre la propriété intellectuelle et l’exception culturelle française, dans toutes ses dimensions, est donc plus que jamais d’actualité.

Jacques Duhamel, ministre de la culture qui succéda à André Malraux, écrivait : « La culture est la principale réponse à apporter au désarroi de l’homme moderne ». On ne saurait trop conseiller à notre futur président de la République de s’inspirer de ce sage conseil.

François de Mazières

« Pour une nouvelle politique culturelle »

L’Opinion, 29 avril 2016

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